Hygiène relationnelle 1 : Accepter les différences

La série de messages «Hygiène relationnelle dans l’Eglise» est une adaptation à l’Eglise d’un article de Jeanne Farmer «Le pasteur et les relations dans l’Eglise» publié dans Les cahiers de l’école pastorale, 31, 1er trimestre 1999.

http://www.publicroire.com/cahiers-ecole-pastorale/ministere-pastoral/article/le-pasteur-et-les-relations-dans-l-eglise

22.04.2012 / 1 Jean 4.20-21

Introduction

Jésus est venu pour rétablir de bonnes relations entre Dieu et les hommes.

Le rétablissement de cette relation primordiale entraîne celui des relations entre les être humains.

Lors d’une des dernières rencontres des groupes nous avons réfléchi avec quelques schémas sur nos relations et nous avons essayé de dégager des règles d’hygiène pour avoir des relations positives. édifiantes entre nous.

J’ai regroupé ce qui m’a été redonné par certains groupes :

Etre dans le Seigneur. Pour toutes les situations, même les plus simples, nous pensons que la première connexion doit se faire avec le Seigneur et  Le mettre au centre de nos préoccupations dans notre hygiène de vie et plus particulièrement relationnelle. Importance du filtre. Tri dans ce que je peux émettre. Certaines choses passe par le Seigneur, d’autres peuvent aller vers l’autre directement.

Etre clair et au clair. La clarté de nos propos, de nos remarques, de nos demandes exprimés dans une attitude de conciliation et non de lutte pour le pouvoir est à même d’éviter bien des sous-entendus, de l’incompréhension et de préjugés synonymes de tensions pouvant conduire au pire des cas à la rupture. Rester dans son ressenti : mettre des mots sur ce que je ressens. Parler avec Je et non on ou tu. « J’aime quand tu es en jupe » plutôt que : « tu devrais mettre une jupe » ou «on met des jupes».

Accepter les différences. Accepter l’autre dans ce qu’il est et ne pas vouloir le façonner à « notre image ». Cela implique le non jugement de sa personne ce qui ne doit pas nous empêcher, au besoin, de le reprendre avec amour. Nous pouvons lui dire que nous l’aimons mais que nous ne cautionnons pas ce qu’il vit, ce qu’il fait, ce qu’il exprime. Ne jamais confondre la personne et sa demande ou son comportement.

Etre responsable de ce que j’envoie vers l’autre et de ce que je fait de ce que je reçois de l’autre. Ne pas faire semblant. Oser dire non, oser exprimer son ressenti sans craindre de perdre l’autre. Attention aux interprétations que je fais. La soupe est trop salée = tu ne m’aimes pas. Confusion  sentiments et relation. « Je peux t’aimer mais notre relation n’est pas bonne »    Prendre le temps de digérer ce qui vient de l’autre, demander des confirmations du ressenti de l’autre.

Savoir faire preuve de flexibilité. Cela implique la remise en question, oser le changement, rompre une habitude, comprendre et aller vers l’autre. Etre conscient de son état (fatigue, contrariété, euphorique, ...)

Ces différents points ont été illustrés par des exemples permettant à chacun de constater que nous sommes tous fait du même moule et que si nous vivons nos relations de manière différenciée, nous nous rejoignons sur un point. Nous avons besoin de la grâce de Dieu à chaque instant de notre vie.

Repérer la "pollution relationnelle…

Un peu comme le poulpe qui projette son encre noire pour se défendre, tout être humain a tendance à projeter de la "pollution relationnelle" lorsqu'il se sent mis en cause ou confronté à ses peurs. Ce comportement a pour fonction de masquer ce qui a été touché en soi par l'attitude de l'autre. Cette pollution est repérable à quelques attitudes hélas bien familières :

- Le jugement : "Ce n'est pas bien de ne pas vouloir lire ta Bible tous les jours." 

- La dévalorisation : "Tu es tellement maladroit que je préfère ne rien te demander !" 

- La disqualification du ressenti : "Tu ne vas quand même pas pleurer parce que tu as perdu ton chat ? Je vais t'en acheter un autre !"

- L'injonction : "Tu devrais aimer un peu plus ton frère !"

- Le chantage : "Si tu ne te tiens pas tranquille, ne compte pas sur moi pour jouer avec toi après le repas !"

- La culpabilisation : "Tu ne vois pas comme maman est fatiguée avec tout le souci que tu lui fais faire ?"

- La comparaison : "Regarde Mme Beuchat : elle va à la messe, elle !".

Dans beaucoup de cas, ces attitudes ne sont pas associées à de la colère explicite ni à un ton violent, mais elles s'infiltrent au contraire dans le quotidien de la vie avec un naturel parfait, comme un danger sournois et invisible dont les effets pervers ne seront perçus que bien plus tard.  Cela détruit la liberté. Cherchons à créer les conditions pour que chacun se sente libre et en sécurité de : Demander, Refuser, Donner, Recevoir.

Quels sont les facteurs qui déterminent la qualité des relations dans l'église locale ?

  1. Accepter les différences
  2. Distinguer entre une charge dont chacun est responsable et un fardeau à porter ensemble.
  3. Respecter les limites des autres


1. Accepter les différences

Cela favorise la croissance spirituelle et émotionnelle des membres de son église. 

Sur le plan émotionnel, la maturité implique la capacité de tolérer des différences avec nos proches. 

Sur le plan spirituel, la maturité est liée à la capacité de distinguer ce qui est essentiel de ce qui est accessoire, et d'accorder à l'autre la liberté dans l'accessoire (Rm 14).

"Accepter les différences" : c'est une façon de vivre l'église qui favorise particulièrement la liberté et la maturité des membres de l'église. "Se différencier" veut dire différer, se rendre différent. Le principe est simple : dans un groupe quelconque, et surtout dans une église qui fonctionne plus ou moins comme une famille, il y a toujours un certain équilibre qui s'installe. Cela ne veut pas dire que tout le monde est identique, quoiqu'il y ait une tendance vers la conformité. Il s'agit plutôt d'un consensus sur les idées et sur les rôles de chacun, et spécialement le rôle du/des dirigeant :

Nous pouvons nous-mêmes être tentés de nous imposer, à nous et à nos familles, ces attentes.

"Accepter les différences", c'est simplement prendre une position qui est différente de celle que le consensus nous prescrit (dans le cas où l'attente ne nous correspondrait pas), et en même temps rester calme et en contact " émotionnellement " avec les autres.

Nous n'aurons pas besoin de chercher ou de créer des différences ; il s'agit simplement de ne pas avoir peur d'être ce que nous sommes et de suivre les convictions et la vision que le Seigneur nous donne pour notre ministère dans l’Eglise.

Comme chaque individu est unique, nous ne manquerons pas d'être différents (de nos prédécesseurs !) Mais il est tout aussi important, en même temps que nous vivons librement nos différences, de rester en relation aussi calmement que possible avec ceux qui peuvent attendre de notre part des choses différentes.

"Accepter les différences", crée une tension pour ceux des membres qui sont " mal différenciés ", c'est-à-dire qui ont une capacité limitée à être différents de leurs proches ou de tolérer des différences chez leurs proches.

Ils ne comprennent pas la démarche, et souvent mettent une pression sur lui (avec les meilleures intentions du monde), pour le faire revenir dans leur schéma habituel, par des questions, des demandes, voire des critiques.

Si, à ce moment-là, celui qui est différent se protège de leurs critiques en prenant ses distances sur le plan émotionnel, ils vont prendre le chemin de la facilité et le rejeter. Mais s'il tient bon, restant calme et décontracté, s'il s'explique tout en maintenant le cap, s'il montre qu'il les aime avec leurs différences, ils n'auront pas d'échappatoire. Ils seront obligés de se débattre avec cette nouvelle idée, manière de faire qu'il a introduite. Cela prend du temps, mais c'est un processus qui permet à l'église d'évoluer. 

Le fait même de pouvoir être en désaccord, voire en conflit, et de cependant rester en relation, est révolutionnaire pour quelques-uns, et c'est un puissant témoignage pour les non chrétiens.

Un exemple clair est celui de Jésus lui-même. Il se différenciait constamment des autres. Il ne cessait d'étonner par ses actions et ses attitudes ; il ne rentrait pas dans le moule. Il s'intéressait aux Samaritains et aux non-Juifs en général, et ainsi il préparait le moment où ses disciples iraient, plus tard, leur porter l'Evangile. Il ne se conformait pas aux attentes des Juifs à propos du Messie. Pourtant ceux en qui il avait le plus investi, ses disciples, le suivaient même quand ils ne le comprenaient pas ; il a réussi le défi qui consiste à accepter les différences.